La fabrication additive au service de l’industrie : de l’impression 3D à la fonderie au Fab Lab de Reims

L’Université de Reims dispose de plusieurs antennes délocalisées en France. C’est le cas de l’IFTS (Institut de Formation Technique Supérieur) qui est implanté à Charleville-Mézières depuis près de 25 ans. Cet établissement présente cependant une particuliarité: ses formations sont orientées en fonction de l'industrie locale, et il intègre depuis plusieurs années un Fab Lab mis à disposition des étudiants. Entre autres imprimantes 3D céramique et FDM, le Fab Lab opère depuis 2016 une imprimante 3D SLA Form 2 de Formlabs. Vincent Marquet, Assistant Ingénieur à l’IFTS, a accepté de nous en dire un peu plus sur l’intégration du Fab Lab à l’IFTS et les usages qui y sont faits de la Form 2.

Pourquoi et comment s’est imposée l’idée de créer un Fab Lab à l’IFTS ?

L’IFTS a une grande particularité : les formations ont été conçues en fonction des métiers locaux. À Charleville-Mézières, il y a un important patrimoine de fonderie, de métallurgie et de plasturgie ; en somme, des métiers orientés sur la conception. C’est pourquoi nous mettons la CAO et le prototypage au coeur de nos parcours étudiants. Notre structure accueille aujourd’hui 160 étudiants du bac au bac+5, et nous délivrons un titre d’ingénieur. Nous avons monté un Fab Lab il y a quelques années, qui a été labellisé par le Ministère de l’Industrie, et nous avons bénéficié d’une enveloppe budgétaire pour s’équiper et recruter un manager.

Plusieurs raisons ont justifié la création de ce Fab Lab. Nous faisons de la fabrication additive depuis presque vingt ans au sein de l’établissement, nous avons donc toujours été très à l’affût des nouvelles technologies. Équiper pour nos étudiants une structure avec des machines peu onéreuses nous a paru une très belle opportunité. En parallèle, nous cherchions à faire cohabiter différents métiers ensemble, par exemple en faisant en sorte que dans un processus de fonte, le fondeur puisse rencontrer le plasturgiste. Enfin, ça nous a semblé un moyen efficace de se faire connaître auprès du grand public. C’est une vitrine formidable et nous accueillons des gens tous les jours. Un député a même ouvert deux antennes au Fab Lab dans le département afin d’étendre notre offre de service aux personnes éloignées géographiquement. Ces deux antennes accueillent essentiellement des collégiens qui sont amenés à faire du maquettage pour les cours de technologie. Comme les écoles ne sont pas toujours équipées, cela permet aux élèves de pouvoir manipuler au sein du Fab Lab. Mais il y aussi des personnes extérieures qui viennent y travailler.

Qu’a apporté le Fab Lab aux étudiants et comment s’est-il intégré aux formations ?

Nous avions déjà des moyens de fabrication additive avant de monter le Fab Lab, sauf qu’avant de les mettre en marche nous validions dix fois la conception de l’étudiant pour être certains qu’elle ne raterait pas car les consommables coûtaient une fortune. Maintenant, nous sommes plus dans l’optique d’un apprentissage par l’échec. Nous vérifions quand même la conception de l’étudiant, mais ce n’est pas un souci s’il y a une petite coquille, car le prototype ne coûte pas cher. Nos étudiants manipulent de plus en plus sur les machines, ce qui est très important parce qu’ils ont tendance à beaucoup vivre dans le virtuel, avec des écrans où les lois de la physique ne s’appliquent pas forcément. Or, quand ils tiennent l’objet dans leurs mains et qu’il n’y a pas suffisamment de jeu ou une erreur dans la forme, cela se voit tout de suite. Dans ce sens, c’est très bénéfique.

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Les étudiants apprennent à imprimer en 3D sur la Form 2 SLA.

Les étudiants, de par leur parcours scolaire, ont un passage obligatoire au Fab Lab pour faire des travaux pratiques. Mais durant l’année scolaire ils ont également des projets industriels dont une partie des réalisations se fait dans nos locaux. Ils restent à leur disposition pour leurs projets étudiants, mais aussi pour leurs projets personnels : c’est en libre accès. On vérifie tout de même ce qui s’y fait, notamment pour éviter des gâchis malvenus. Ce n’est pas sans surveillance.

Pourquoi vous êtes-vous procuré une Form 2 pour le Fab Lab ?

Peu d’indépendants viennent au Fab Lab, en revanche un important tissu industriel vient y faire du prototypage et du développement de produit. C’est surtout pour cela qu’à un moment donné le besoin d’une imprimante 3D SLA ou DLP s’est imposé. Certes le FDM est une technologie formidable et peu chère, mais elle a ses limites en matière de précision. Nous cherchions une machine peu encombrante : c’est ainsi que nous nous sommes procuré la Form 2 de Formlabs en 2016. D’abord parce que c’est un outil pédagogique fantastique et simple d’utilisation. Mais surtout, nous l’avons choisie pour sa précision et la qualité des surfaces que l’on obtient. Sa précision permet de concevoir directement des objets avec des filetages ou autres sans avoir à mettre un jeu excessif. La qualité est très belle, ce qui fait que lorsqu’on va voir un fondeur ensuite, la pièce sera dupliquée en fonte avec un respect dimensionnel bluffant et sans présenter le moindre défaut de duplication. Par exemple, sur une pièce en FDM on voit les couches et celles-ci seront visibles sur la pièce en fonte, ce qui n’est pas le cas du SLA.

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Bouton de porte moulé en fonte, grâce à une empreinte imprimé en résine claire par stéréolithographie sur la Form 2.

Nous avons donc directement des pièces qui nous servent d’outillage, ce qui est un critère très important pour nous. Nous faisons aussi de la fonte à cire perdue. Soit la pièce imprimée est directement pyrolisée, soit elle sert à fabriquer des moules en silicone dans l’objectif de faire des cires derrière.
Nous privilégions aussi le SLA pour les personnes qui font du modélisme et de la pièce en toute petite quantité pour quelques commandes de clients. Au lieu de produire un moule qui coûte une fortune pour couler trois pièces, ils impriment en SLA et commercialisent directement la pièce imprimée. Le respect des dimensions et le fini de surface rend possible ce genre d’utilisations.
Les autres machines nous servent pour tous les autres produits à fabriquer, à savoir des maquettes tactiles pour des non-voyants, des prototypes pour valider un encombrement ou une ergonomie, des pièces uniques qui doivent être remplacées dans des mécanismes, etc. Nous avons également des designers qui viennent nous voir pour vérifier leurs prototypes avant de lancer la production de leurs produits. Un designer local s’est même équipé d’une Form 2 sous mes recommandations.

À court terme cependant, nous manquons encore cruellement de volume constructible. Nous avons intégré une machine FDM qui offre un volume d’impression plutôt conséquent, mais ce ne sont pas encore les résultats que nous recherchons. Couper, recoller, assembler n’est pas toujours facile ; or, on nous demande des modèles de plus en plus volumineux aujourd’hui.